REPORTAGE / Ecrit par A. S. HOUNKPE - Rédacteur @ArtSoAfrica.

Pour sa deuxième édition le Festival des arts Vodoun s’est tenu dans l’une des neuf boules du prestigieux Atomium de Bruxelles le 9 septembre 2017. Ce festival est un évènement culturel qui tente de reconstruire à travers les arts Vodoun plus de quatre siècles d’histoire entre l’Afrique, les Caraïbes, l’Amérique et l’Europe selon les dires mêmes du Président du festival, Kinoss DOSSOU. C’est l’occasion pour le public de découvrir les diverses formes d’art et culture d’inspiration Vodoun et africaine​.

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A

la rencontre de l’invisible


Avant toute activité purement artistique, le festival a commencé par une conférence sur les rites vodoun pour expliquer un peu ce qu’est le Vodoun ou du moins ce que n’est pas le Vodoun. Mais comment expliquer l’invisible ? Comment parler des rites sacrés à un public non-initié ? C’est la grande ambition que se sont donné les conférenciers, deux professeurs spécialistes de religion venant de Belgique et un troisième du Bénin.

C’est le sociologue béninois, Dodji AMOUZOUVI, du haut de sa dizaine d’initiations aux rites vodoun, qui le premier a mis les pieds dans les plats en affirmant que le Vodoun n’est pas une religion. Mais plutôt la cause qui a engendré les pratiques religieuses et autres rites sacrés. Le Vodoun est selon lui Dieu, Mahou Sêgbo-lissa chez les fons du Bénin, créateur de l’univers. Un débat s’est installé du coup entre les conférenciers et s’est focalisé sur la diabolisation du Vodoun, surtout pendant les périodes d’invasions coloniales et d’esclavage. Le public s’est aussi invité dans le débat, profitant pour exprimer des interrogations sur la science dans les pratiques vodoun ou encore la place des femmes dans le culte. Mais pas sûr que le public ait tout compris aux rites, car tout ceci reste quand même une histoire d’initiés. Il pourra au moins se dire que le Vodoun, c’est le partage, puisque les discussions ont continué en communion autour d’un bon repas africain.


Art-Performance : Le bleu et le blanc en offrande

PerformanceOffrande © ArtSoAfrica

Vous avez peut-être déjà vu des happenings délibérément sordides où vous vous êtes demandé où se trouvait la part de l’art. Vous avez peut-être vu aussi la performance de l'artiste Milo MOIRE, réalisée à l'occasion de l'ouverture du festival d'art de Cologne en 2014, où elle « pondait » des œufs colorés pour réaliser un tableau. L’art-performance a la réputation d’être une discipline inclassable, parce que l’artiste cherche souvent à bousculer nos certitudes, à toucher sans détour nos sensibilités, à produire un art vivant, dans le sens « live shows » du thème. C’est par cette façon physique de produire de l’art en direct que l’artiste-peintre Rafiy OKEFOLAHAN  nous a livré sa création originale d’inspiration vodoun, spécialement conçue pour le festival.

" ... mais il a engendré des esprits divinisés appelés Vodoun-Yêhoué "


Déjà la scénographie en place nous renseigne sur le caractère généreux de la performance qu’il nous mijote. Une cinquantaine de calebasses mises les unes contre les autres, qui contiennent des produits de diverses formes et couleurs, évoquent l’abondance et la diversité. C’est bien d’une offrande qu’il s’agit. Une offrande certainement à une divinité. Rappelez-vous ! Dans la cosmogonie Vodoun, certes il y a la transcendance divine inaccessible (Mahou), mais il a engendré des esprits divinisés appelés Vodoun-Yêhoué toujours chez les fons. Ces derniers, accessibles aux humains, peuvent recevoir des offrandes. Dans ce monde, si le verbe et la musique sont les principaux canaux de communication, la danse en est le mode d’expression privilégiée. C’est certainement pour cela que dans sa mise en scène, l’artiste-peintre Rafiy a fait appel au chorégraphe Médard SOSSA pour cette communication physique et métaphysique.

Rafiy & Medard © ArtSoAfrica


... La vraie performance, c’est ainsi de frôler la transe sans jamais tomber dedans

Les deux artistes avec paroles, chants, musique et danse vont essayer de porter cette offrande à cette divinité imaginée. L’un en prêtre, maître du rituel (en fon, Vodoun-non), et l’autre en adepte messager (Vodoun-si). Au cours d’une danse dont le chorégraphe seul a le secret, il sera aspergé méthodiquement par le peintre d’une poudre blanche, puis d’un liquide bleu. C’est de l’art, un genre de peinture sur corps, qui se produit directement sous nos yeux. Mais c’est aussi une performance très physique dans le sens sportif du thème. Car il s’agit pour le danseur de rester dans la maitrise totale de soi pour ne pas basculer dans un monde irréel, auquel cas, ce ne serait plus de l’art. La vraie performance, c’est ainsi de frôler la transe sans jamais tomber dedans, tel un funambule qui danse sur un fil tout en équilibre. Tout ceci nous a offert un tableau éphémère mais magique, en blanc et bleu sur un corps noir dénudé. On ne saura jamais si l’offrande aura été acceptée ou pas par la divinité, celle dont on chercherait la clémence ou qu’on remercierait d’une grâce. Et c’est peut-être mieux ainsi.


Le Vodoun c’est la musique !

La nuit, tous les chats sont gris. On ne distinguera plus l’initié du non-initié, le sachant du profane. Place maintenant à la musique. Une bruxelloise qui vient d’arriver dans la salle de concert s’impatiente. Elle s’approche de moi et me livre cette question qui lui brûle les lèvres : « C’est quoi le vodoun en fait ? » Entre curiosité et appréhension, elle vient là d’extérioriser quelque chose que certains dans le public se demandent encore tout bas.

C’est la prêtresse vodoun PePe OLEKA qui entre la première en scène. Celle qui a grandi entre le Nigéria, le Bénin et le Togo, a baigné dans les rites et musique dès son jeune âge. Elle puise son inspiration à la source, dans cette région, berceau du Vodoun.

Ce soir là, elle fera son entrée sur scène en exécutant quelques pas de danse qui auront pour effet de modifier instantanément l’énergie de la salle. Lorsqu’elle se met à chanter, on la sent habitée. Par la puissance de sa voix, une voix qu’elle a domptée tel un python avec sa proie, elle captive son auditoire complètement subjugué. C’est une étape décisive dans sa mise en communion des énergies. Le public ainsi envoûté de façon consentante se laissera emporter par cette musique très enracinée et se mettra à danser joyeusement.

L’autre événement de la soirée est le groupe ‘Vaudoo Game’  qui tire son nom de l’harmonie et couleurs  du Vodoun d’après Peter Solo la figure représentative du groupe. Il réclame une identité vodoun pour sa musique et condamne toute diabolisation de ces pratiques. Sa musique célèbre la puissance de la nature à travers les instruments musicaux. Effectivement, il ne leur a pas fallu beaucoup de temps pour endiabler la salle et répandre l’amour, la bonne humeur dans le cœur des participants en transe. Cela ne pouvait en être autrement avec  un groove volontairement répétitif et une guitare électrique aux sonorités psychédéliques.

A la fin des concerts, la bruxelloise qui se posait des questions, vient me confier qu’elle vient de comprendre que le vodoun est une expérience qui se vit, dit-elle en sueur et visiblement enjouée.

A. S. HOUNKPE


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